Le Cercle du Matin Dimanche
 

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15/11/2015

Où vont exactement les CFF?

lstapioca-tomlm.jpgL’ancienne régie fédérale multiplie les effets d’annonce: d’un côté, elle investit à coups de milliards dans d’immenses infrastructures, sous les Alpes ou dans les grandes métropoles; dans le même temps, elle lance un gigantesque plan d’économies, RailFit 20/30, censé lui faire économiser des centaines de millions par an. Andreas Meyer, le CEO des CFF, nous promet donc tout à la fois le beurre et l’argent du beurre. Evidemment, quelque chose devra céder. Quoi?

Depuis quelques années et l’achèvement des nouvelles lignes ferroviaires alpines, d’entente avec les pouvoirs publics les CFF se sont lancés dans un très vigoureux programme de construction de nouvelles infrastructures, notamment en métropole, afin de faire face à une hausse projetée de la demande qui promet d’être massive – de l’ordre de 50% au moins à l’horizon 2030.


Traduit en projets, cela donne par exemple la réfection des gares de Lausanne et Genève, la quatrième voie Lausanne-Renens, le tunnel de Gléresse, et en Suisse alémanique la ligne diamétrale à Zurich, les projets de ligne à grande vitesse en Argovie.

Tous ces investissements sont rendus nécessaires par l’augmentation massive de la fréquentation dans les régions métropolitaines, lesquelles réclament dès lors plus de trains, plus grands, plus souvent, sur de plus longues distances. Afin de répondre à cette demande, il faut construire de nouvelles infrastructures – lignes, tunnels, gares, qui vont être utilisées à plein de leur capacité dès leur mise en service, et qu’il faudra donc entretenir dès le premier jour avec un soin particulier.

Quiconque s’intéresse un tant soit peu au transport ferroviaire dans ce pays sait que la Suisse est au monde le pays qui utilise le plus intensément son réseau ferré. En d’autres termes, nous faisons reposer sur l’infrastructure ferroviaire un poids maximal, à tel point que la maintenance a beaucoup de mal à suivre. On ne le crie pas sur les toits, mais, soumis à une pression extrême, notre réseau ferré se dégrade, malgré les efforts héroïques du personnel affecté à son entretien.

Et voilà qu’au moment où on ajoute à ce réseau sous tension de nouveaux éléments majeurs, on annonce un plan massif d’économies, notamment dans la maintenance. On doit le dire: compte tenu du fait que l’entretien du réseau et du matériel roulant est déjà sous pression, on ne voit tout simplement pas comment il parviendrait à assumer des tâches supplémentaires découlant de la simple arithmétique – plus de trains sur plus de lignes, c’est plus de convois et de voies à entretenir – tout en devant essuyer des coupes claires dans ses moyens. Quelque chose devra céder. Quoi?

À demi-mot, les commentateurs évoquent les lignes périphériques. Ici, on parle d’abandonner l’horaire cadencé, ou de remplacer les trains par des bus le soir. Là, un ponte du domaine parle de fermeture de lignes et de tabous à briser. Au-delà de leur diversité, ces propos ont un point en commun: c’est la périphérie qui paiera l’équipement de la métropole. En soi, un retournement saisissant de la politique régionale
de ce pays.

L’autre jour, j’évoquais avec un grand spécialiste de la Suisse devant l’éternel la possible fermeture de la ligne sommitale du Gothard, première victime expiatoire désignée. Impossible, selon lui – en tout cas pour la rampe nord: elle est nécessaire à l’interconnexion, à Göschenen, avec le réseau du Matterhorn-Gotthard Bahn sur lequel circule le fameux Glacier Express. Et au sud, rétorquai-je? Ah, au sud…

Au sud, c’est-à-dire au Tessin, la fermeture serait acceptable. Et on ose encore s’étonner que le canton demande un second tube autoroutier au Gothard…

Pierre Dessemontet, géographe, cofondateur de MicroGIS, conseiller communal PS à Yverdon

 

15:52 | Lien permanent | Commentaires (1)

19/07/2015

Voir les migrants de la Méditerranée de l’autre côté de la lorgnette

Desmontet.jpgEn ce mois de juillet, une grande partie de la population européenne s’apprête à rejoindre les plages du sud du continent. Elle y croisera une vague de migrants qui constituent une composante-clé de son avenir.

Depuis quelques mois s’échouent sur les plages d’Europe méridionale des migrants de plus en plus nombreux, provoquant ainsi une crise qui couvait depuis quelque temps mais qui prend désormais des proportions telles que plus personne en Europe ne pourra faire semblant de l’ignorer plus longtemps. Cela va d’une Italie qui n’en peut plus d’assumer seule le rôle de porte d’entrée du continent (on ne le sait pas, mais l’Italie accueille bon an mal an un million – un million! – de migrants, dont les boat people méditerranéens ne représentent que l’écume), à la dissolution de la solidarité entre Etats européens, l’Europe refusant une solution de quotas pourtant minimaliste, la France bloquant les migrants en provenance d’Italie à la frontière, la Suisse menaçant d’en faire de même – jusqu’aux migrants eux-mêmes qui se mettent à revendiquer un droit de rester et de travailler en Europe, assumant pleinement leur identité de réfugiés économiques.

 
Or la doctrine européenne est claire: l’asile ne s’applique qu’aux persécutés, et il n’y a pas de place pour celles et ceux qui s’exilent afin d’améliorer leur sort. Derrière cette déclamation de principe, le refoulement des réfugiés économiques se base sur l’idée que la terre d’accueil n’a pas besoin d’eux. Or c’est faux. L’Europe a besoin d’eux, même si elle ne s’en rend pas encore compte.
En 2015, la population européenne n’augmente plus, et sa population active s’est mise à décroître. D’ici à 2035, cette dernière va diminuer de 25 millions de personnes. C’est plus que le nombre de chômeurs pourtant excessivement élevé que porte actuellement le continent: il ne faudra donc pas compter sur eux pour combler le trou, sans même considérer les questions de qualification et d’âge qui minent l’employabilité de nombre d’entre eux. Dans le même temps, le nombre de retraités va exploser. Si rien n’est fait pour l’enrayer, cette double évolution va avoir un impact catastrophique sur les finances publiques et sur les assurances sociales – moins de rentrées sous forme d’impôts, plus de sorties sous forme de rentes. Parvenus à ce stade, nos pays n’auront qu’un seul moyen de le pallier: l’immigration. Sans elle, pas de salut.
 
Pour certains pays, cette révolution est déjà en marche. L’Allemagne, en déficit démographique majeur, attire à elle environ un demi-million de migrants par an. Pour l’instant, ils proviennent d’autres pays européens, qui, de ce fait, se vident rapidement et ne pourront bientôt plus servir de réservoir de main-d’œuvre: la solution n’est pas durable. A relativement court terme, l’Europe, et la Suisse avec elle, devra aller chercher sa main-d’œuvre ailleurs. On rappellera ici que, du temps de sa splendeur d’avant 2008, l’Espagne accueillait ainsi un demi-million de Latino-Américains par an. Transposés à l’échelle du continent, les chiffres des deux prochaines décennies prédisent un besoin de main-d’œuvre se chiffrant en millions – avec «s» – par année.
 
Vus sous cet angle, les migrants qui traversent la Méditerranée constituent une avant-garde, formée des membres les plus entreprenants de leur société, de celles et ceux qui prennent le plus de risques: des qualités qui les rendent éminemment désirables du point de vue d’une société d’accueil vieillissante. Les migrants méditerranéens? Une aubaine pour l’Europe, et la Suisse.
 
Pierre Dessemontet
Géographe, cofondateur de MicroGIS, conseiller communal PS à Yverdon.
 
 

09:43 | Lien permanent | Commentaires (0)

03/05/2015

Migrants en Méditerranée: et s’ils étaient une chance pour l’Europe?

desse.jpgCes derniers mois, plus un jour ne se passe sans que parvienne à nos oreilles l’écho d’un drame survenu en Méditerranée et, au-delà de l’épouvantable tragédie humaine que représentent les dizaines de milliers de morts qui hantent désormais les abysses, ce désastre fait aussi l’objet d’une guerre des chiffres: les migrants seraient un million à attendre l’occasion de traverser depuis les côtes libyennes. Bigre!
 
Bien que ce chiffre semble un peu exagéré – on rappellera qu’en 2014, au plus fort de l’opération de sauvetage Mare Nostrum, l’Italie aurait accueilli via cette opération un peu plus de 100 000 migrants et que, d’ailleurs, on voit mal comment la Libye, un pays de 6 millions d’habitants, en proie au chaos et à la guerre civile pourrait accueillir, même dans des conditions atroces, un tel nombre de personnes – prenons ce chiffre d’un million, et comparons-le à la population européenne.
 
L’Europe, c’est-à-dire ici les trente-deux pays de l’UE et de l’AELE, c’est 520 millions d’habitants et une démographie en panne: en 2013, l’excédent de naissances de cet espace était de 120 000 personnes à peine, un accroissement de 0,02% – autant dire rien, à peine plus que la croissance démographique de la Suisse, 60 fois moins peuplée. La moitié des pays européens est déjà passée en territoire négatif et enregistre plus de décès que de naissances – parmi eux, l’Allemagne, l’Italie, l’ensemble de l’Europe centrale et orientale – et toutes les prévisions montrent que d’autres sont sur le point de suivre: sans la migration, l’Europe va commencer incessamment à perdre de la population, si ce n’est pas déjà fait.
Ce retournement démographique va se ressentir, et vite, sur la population active. Actuellement, les personnes entrant en retraite sont tout juste compensées par les jeunes entrant dans la vie active: en 2013, l’Europe comptait 6,1 millions de personnes de 20 ans pour 6,1 millions de personnes de 65 ans; mais en 2020, baby-boom oblige, les chiffres seront de 5,5 millions d’entrants pour 6,6 millions de sortants. Autrement dit, dans cinq ans, l’Europe perdra chaque année plus d’un million de personnes actives. Dans dix ans, ce déficit pourrait approcher les deux millions. Chaque année.
 
En bref, nous nous préparons en Europe à devoir assumer très bientôt les conséquences de notre dénatalité – et le seul moyen d’y parvenir à court terme, c’est-à-dire pour les vingt à trente ans qui viennent, c’est par l’immigration. D’ailleurs, la très frileuse Allemagne l’a bien compris, qui compense désormais sa dénatalité dramatique par ce moyen. Pour l’instant, elle recourt encore en priorité aux pays du sud de l’Europe à l’exception de l’Italie, elle-même réceptacle de toutes les migrations. Mais à court terme, c’est l’Europe entière qui devra recourir à l’immigration externe, ne serait-ce que pour compenser les départs à la retraite de sa population résidante. Et cette immigration ne pourra venir que de l’extérieur du continent, la Russie et ses marges étant encore plus déprimées démographiquement que l’Europe.
Ce que les statistiques révèlent, c’est que les chiffres largement fantasmés du nombre de migrants en attente de pouvoir traverser la Méditerranée sont du même ordre de grandeur que ceux des déficits de population active à venir dans les prochaines années. En d’autres termes, pour maintenir sa population active à un niveau constant, d’ici peu l’Europe pourrait absorber l’entier de ce nombre astronomique – un million de migrants qui attendent en Libye! – chaque année.
 
Et si les migrants méditerranéens représentaient notre plus grande chance de passer le cap de notre démographie vieillissante?
Pierre Dessemontet, Géographe, cofondateur de MicroGIS, conseiller communal PS à Yverdon

14:06 | Lien permanent | Commentaires (0)

 
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